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30 novembre 2011

Il est temps que ca cesse!

Novembre 2011, je fais mon coming-out. « Mais voyons Kakou, on le sait que tu es lesbienne, pas besoin de nous le redire! » Je fais mon coming-out en tant que victime d’intimidation à l’école quand j’étais plus jeune. S’il n’y a pas d’âge pour crier haut et fort qu’on a été victime de viol dans notre jeunesse, moi je dis qu’il n’y a pas de limite de temps à clamer haut et fort qu’on a été victime nous aussi. Car l’intimidation, ca peut laisser des séquelles aussi grave qu’un viol. Ca peut mener au suicide. Ca peut hypothéquer notre avenir. Les jeunes ne comprennent pas que la portée de leurs paroles et gestes peut mener à de gigantesques proportions.

Marjorie Raymond, petite princesse de 15 ans vivant en Gaspésie l’a payé de sa vie. Elle sait ce que l’intimidation peut faire comme dommages. Elle s’est enlevé la vie lundi dernier, après avoir écrit une lettre de 3 pages à sa maman. Sa mère a tout fait pour l’aider. Elle a contacté l’école, la direction, les professeurs. Mais ils sont tous très mal outillés pour agir. Voire PAS outillés du tout. Les profs passent les cas sous silences parce qu’ils savent très bien que ca n’aboutira nulle part. Ou bien ils considèrent que c’est des « tites chicannes de tites filles ». Je regrette, mais ce n’est pas à prendre à la légère. Maintenant, je dis qu’il faut DÉNONCER et AGIR. Je vous en prie, faites en sorte que Marjorie ne soit pas morte en vain! Il faut que sa mort serve de leçon partout au pays et dans le monde! Le BULLYING est un véritable fléau! Il faut CRIER quand ca nous arrive parce que si on fait juste le dire sans hausser le ton, personne ne nous aidera.

Dans ma jeunesse, y’a pas grand-chose que j’ai pas vécu comme intimidation. Ca a commencé au primaire et ca a continué au secondaire. Côté beauté, je n’avais pas grand-chose pour moi. J’étais grosse, grande, les dents croches, les cheveux gras, des boutons, des grosses lunettes, etc…) Il n’y a pas d’insultes que je n’ai pas eu (la grosse, les barniques, champs de fraises, camion de vidanges, camion de piments, l’autobus, etc…) Je me suis faite scrapper mes vêtements, détruire mes choses dans mon casier, je me suis faite rentrer la face dans ma case, frappée à coup de poing dans les côtes, mettre de la gomme dans les cheveux, rejetée, ignorée, insultée publiquement, jetée de la nourriture par la tête… Tout y est passé. Presque chaque 2 jours, j’allais demander au directeur adjoint de faire quelque chose, menaçant qu’un jour j’allais commettre l’irréparable. Ils n’ont rien fait. Jusqu’au jour ou… J’AI FRAPPÉ. J’ai vu rouge et j’ai frappé. Le p’tit boss de la gang qui m’intimidait en secondaire 2, je l’ai rentré dans une porte et j’ai frappé jusqu’à ce qu’il se mette à pleurer et à ne plus tenir sur ses jambes. Je ne voyais rien, tout ce que je savais, c’est que je frappais et que je lui criais de me laisser tranquille!

On a voulu ME suspendre de l’école. On a voulu ME mettre en retenue pour 1 mois. Les intimideurs s’en sont sortis avec des tapes sur les doigts, c’est tout. L’école était avertie et n’a RIEN fait. Il a fallu que je me rende justice moi-même. Je n’avais plus aucune solution que de sortir mon couteau de survie et m’ouvrir les poignets. Combien de fois j’y ai pensé. Combien de fois j’ai pensé avaler tout ce qu’il y avait de médics dans la maison. J’ai même pensé engloutir des produits comme de l’huile à moteur ou de l’antigel pour en finir ou pour le moins attirer l’attention de l’école. J’étais renfermée, je ne voulais pas « achaler » ma mère avec ca. Mais mon père a vu tout le manège et a décidé qu’il fallait se faire justicier. Il a fait tomber ma suspension en parlant dans le casque du directeur adjoint. On m’a sacré la paix à partir de ce moment-là. Mais au lieu d’attirer les moqueries, j’attirais maintenant la peur. On avait plus envie de me niaiser, on avait peur de moi. Alors mon cercle d’amis s’est rapetissé et seuls les plus loyaux sont restés près de moi.

J’ai aussi été dans les cadets de 12 à 18 ans. Les pires et les meilleures années de ma jeunesse en même temps. D’appartenir aux cadets m’a aidé à me forger un caractère. À me défendre. À être capable de ne plus me laisser faire. J’avais des amis et la vie s’est mise à aller un peu mieux pour moi. Mais à la base, j’étais une personne forte. J’étais seulement renfermée. Alors j’ose à peine penser à comment se sent une personne plus faible, incapable de se défendre. C’est l’horreur!

La Fondation Jasmin Roy est dotée d’une énorme mission. Celle d’outiller les écoles et les intervenants pour venir à bout de l’intimidation dans les écoles. L’intimidation sous TOUTES ses formes! Je lui lève mon chapeau et j’espère qu’un jour, enfin, les jeunes pourrons étudier en paix, reprendre goût à l’école et ce ne sera plus les victimes qui sont privés d’éducation. Les victimes finissent par lâcher l’école et sont condamnées à gagner leur vie plus pauvrement que leurs agresseurs qui resteront à l’école et feront leur loi et gagneront les gros salaires. Vous ne trouvez pas ca INJUSTE??


Alors à Mathieu, sa gang et tous les autres qui m’ont agressée, maintenant, en 2011, je vous pardonne. Car vous voyez les nouvelles maintenant comme moi? Vous aurez sur la conscience ce que vous m’avez fait et remercierez le ciel que je ne me sois pas suicidée. Vous en auriez du stock sur la conscience n’est-ce pas??

Merci à ceux et celles qui étaient là pour moi. Annick, Annie, Nath, Val, Gie, P-L, Mike. Sans vous, ma jeunesse aurait été très différente.

3 commentaires:

Morriggann a dit...

J'suis arrivée à pardonner à certains. Mais pour certains, ça n'arrivera jamais...

Anonyme a dit...

Salut Karine, voici ma réponse... pour en jaser.

Au risque de mal paraître, est-ce qu'on aurait autant parlé de l'intimidation si la victime était grosse avec pleins de boutons?

De façon générale, j'ai un peu de misère à embarquer dans le concept de "problème de société" concernant cela. Mes parents m'ont élevé à respecter les autres et à avoir une bonne estime de moi, ce qui fait que je ne cherchais pas le trouble avec les autres mais je refusais de me laisser marcher dessus.

Je n'ai pas été harcelé physiquement étant jeune mais l'harcèlement mental que j'ai subi était pire. Cependant, c'était à moi de faire ma place et de me faire respecter, ce que j'ai fait à coups de pieds dans le cul, de "rentrages" dans le mur et en ignorant les caves qui me criaient des noms.

Jamais je n'ai pensé à alerter la direction de mon école et maintenant en tant que parent, je leur demanderais davantage si mon enfant fait de quoi pour mériter ces bêtises-là. Si la cause est mon jeune, c'est à moi à y parler dans le casque mais si c'est un cas de "y m'écoeure pis je ne sais pas même c'est qui", une petite visite chez les parents va s'imposer pour une belle discussion du genre "Ton gars lâche le miens car sinon je porte plainte directement à la police".

Oui, je suis extrême mais bon.

Finalement, ça va être mon rôle de faire comprendre à mes gars que le respect d'autrui est aussi important que le respect de soi-même. On est pas obligé d'être ami avec tout le monde mais le respect de base, c'est vital.

Bonne soirée,
Daniel

Anonyme a dit...

Ça me touche beaucoup. Ça me met les larmes aux yeux. Quand on est petits, on ne voit pas le coeur, on voit juste l'enveloppe. On comprend en vieillissant. Ça m'est arrivé aussi un tout petit peu et cette personne a osé me faire une demande facebook!!! Quel culot! "Si toi tu t'en rappelles pas aujourd'hui, moi OUI". Moi je t'aime Kakou. tu as un coeur en or et tu es formidable. Merci d'être là pour moi. Bisous xxxxx Mary